Bien peu inspirés les possibles rares désabonnés à ma newsletter qui seraient partis avant ce billet, car ils ne savent pas ce qu’ils ratent, si je tiens compte de la façon dont j’ai voulu vous faire partager ce premier jour de voyage, avec vidéo, exercice aquarellé, et petite réflexion à la clé !
Cela me fait penser à souhaiter la bienvenue aux nouvelles et nouveaux inscrits (es) à ma newsletter, que je salue chaleureusement : vous êtes très nombreux, chaque semaine à venir grossir cette grande famille d’abonnés (es), et je vous en remercie de tout cœur.
Mais revenons à notre « voyage du bleu », parce que nous arrivons, pour commencer notre voyage, dans une jolie ville d’Alentejo, non loin de la frontière espagnole. Nous sommes à Elvas.
Nous y affûterons couleurs et pinceaux, avant de rejoindre le gros de la troupe dans celle de Faro, très antique cité portuaire qui nous attend bien plus au sud.
Il faut vraiment croire que l’hiver n’existe pas ici tellement le soleil est chaud, le ciel est bleu, et tout le monde se promène en manches courtes, les terrasses des cafés sont bondées.
Je croise un petit chien un peu nabot, court sur pattes et plutôt corniaud, qui traverse nonchalamment la rue : je le verrais bien en typique décor indigo d’un ancien zellige, comme on en trouve parfois dans la riche thématique animale des plus antiques azulejos portugais… En fait, le bleu est partout, il nous submerge, nous inonde, nous emporte…
Il faut dire pour des bleus, qu’il y en a de tout simplement incroyables. Si on n’y consacre pas assez de temps pour les préparer sur la palette, si on ne change pas sans cesse de point de vue pour choisir le meilleur angle pour les traduire, on s’en écarte automatiquement, et ce que l’on pose sur le papier n’est pas cette couleur aux multiples nuances, tantôt indigo, tantôt cobalt, couleur faite le plus souvent de subtiles touches céruléennes se finissant à l’outremer.
Le temps consacré à ces recherches est d’autant plus exaltant qu’il débouche sur des questionnements et des exercices passionnants : on devine, à travers les décors des azulejos, des encadrements bleus des portes, du reflet de l’horizon sur les vitres des fenêtres, la vie et l’histoire de tout un pays, tourné vers l’océan, rempli de lumière et de lointaines épopées, mais aussi intime dans ses montagnes reculées, où le son des cloches retentit à tous les instants importants de la vie.
Dans notre première étape à Elvas, avant même le début du stage qui démarre vraiment à Faro, je tenais à partager avec vous cette atmosphère particulière, à la fois douce, apaisante et tour à tour rustique et précieuse, mais toujours unique (parce que je ne l’ai rencontrée nulle part ailleurs qu’au Portugal), comme la promesse intime d’une rencontre rare, faite d’authenticité, de simplicité, et de beauté.
Pour me préparer à cette rencontre, j’ai assemblé une palette de bleus tout à fait spéciale, faite des plus jolis bleus que l’on peut trouver dans le commerce, et dont je vous livre le secret :
Tandis que je parcours le chemin de ronde au faîte des anciennes murailles entourant la cité d’Elvas, me voici soudain face à un petit édifice religieux adorable, où le bleu agrémente de la plus charmante façon qui soit, la sobriété architecturale. C’est parmi les bleus clairs ou cæruleums que je choisirai un bleu royal Sennelier pour réaliser les liserés de cette jolie chapelle, celle de la Conception, bâtie sur les remparts de la ville, en plein au-dessus de l’une de ses plus anciennes portes d’entrée. Ce sont les liserés de cette jolie couleur se détachant sur le fond de crépi blanchi à la chaux de ses murs qui m’ont attiré dans cet endroit, où tout est jaune, ce qui crée une incontestable gaîté architecturale, dans un endroit où l’historique rigueur militaire qui s’impose dans ces fortifications devrait pourtant passer en priorité.
Mais je constate qu’en mélangeant le bleu cæruleum des liserés extérieurs de la petite chapelle Notre Dame de la Conception (dont je vous avais déjà parlé il y a maintenant longtemps lors d’un voyage précédent), avec l’ocre jaune du bas des murs environnants, on obtient un gris vert qui est exactement celui des oliviers de la campagne en contrebas des murs !
Il faut faire des essais avec les différents bleus de notre nuancier (en les modifiant parfois avec un soupçon des divers jaunes ou rouges de la palette), pour obtenir le « bleu parfait » de tel ou tel décor d’architecture.
Et si on mélange le bleu Ultramarine rompu des azulejos de l’entrée de cette même chapelle avec une pointe d’orange (et non avec du gris ou du noir qui en éteindraient la luminosité), on obtient la teinte de l’ombre des fameux oliviers précédemment cités.
Bien sûr, on peut réaliser les gris verts (en ombre ou lumière) des oliviers de bien d’autres façons, mais je vous assure que ces mélanges fonctionnent parfaitement, même si le résultat manque un peu de transparence si on choisit des pigments opaques ou semi-opaques pour faire le mélange.
Étonnant de constater combien les couleurs dominantes dans le bâti traditionnel trouvent ici leurs correspondances par mélange, dans les variations chromatiques de l’environnement naturel.
Mes verts (vert rompu n°1 et gris vert n°4) obtenus par mélange du bleu des liserés de la chapelle (bleu royal Sennelier) ou de l’outremer rompu des azulejos (voir mélange ci-dessus) avec l’ocre jaune des murs (tous les outremers de toutes les marques conviennent, idem pour l’ocre jaune) qui s’apparentent aux différents verts des oliviers ne sont qu’un sujet de réflexion parmi d’autres, basé sur l’observation des différentes couleurs d’un même environnement.
Mais si je veux réellement peindre le feuillage des oliviers, j’utiliserai plutôt du bleu d’Indanthrène Sennelier (transparent intense) à la place du bleu royal (opaque granuleux) pour faire le gris vert de leur feuillage en pleine lumière dans le lointain, et à la place de l’outremer français utilisé pour imiter l’outremer rompu des azulejos (outremer qui est transparent intense) du bleu indigo Rembrandt, car bien que semi-opaque, celui-ci permet d’obtenir la bonne teinte des zones à l’ombre sans mélange intermédiaire (d’où effet plus lumineux, travail plus rapide et similitude chromatique plus grande).
Hors, le but de ces exercices n’est pas de chercher à peindre des oliviers, mais de se servir des couleurs que nous voyons (en suivant ici le fil conducteur du bleu), pour établir de plus subtiles connivences entre l’univers qui nous entoure, les êtres et les choses que nous rencontrons et notre propre sensibilité, la « profondeur » de notre regard sur le monde s’en trouvant considérablement changée.
Ce n’est pas seulement un regard contemplatif, poétique ou artistiquement inspiré que nous portons sur les choses et les êtres, mais une introspection différente liée à la découverte et au renouveau, un véritable bain de jouvence visuelle liée à une nouvelle façon d’appréhender l’univers qui nous entoure.
C’est cela qui fait la différence entre l’aquarelle de voyage et les autres formes d’aquarelle, et la nuance est considérable, car c’est toute une philosophie que cette démarche va générer !
C’est par ce rapport des couleurs à la vie dont elles sont le reflet qu’au-delà du témoignage d’un instant, d’un lieu, d’un objet, d’une rencontre, on peut « voyager » à l’intérieur même du voyage, et interpréter « autrement » la réalité perçue à travers ses différentes facettes de plus incisive façon qu’en plantant notre chevalet dans les endroits familiers qui nous inspirent habituellement le plus.
Chaque nouvelle interprétation va alors se révéler comme l’apprentissage d’un alphabet pour aller plus loin dans notre démarche, la connaissance et l’interprétation d’un lieu, de ses habitants, et la réalisation en pleine conscience de son carnet…
C’est pour cela que je pense l’approche «traditionnelle et classique» du carnet de voyage (dessins / textes / aquarelles), supérieure dans le fond (même si dans la forme tout est possible pour affirmer sa créativité) par rapport aux autres types de carnets (tout aussi attrayants qu’ils soient, bande dessinée, collages, photos, etc.)…
Quant à l’aquarelle, il y en a bien sûr autant d’approches et de concepts qu’il y a de démarches artistiques et de personnalités créatives, mais celle que je préconise sur le terrain (et que j’enseigne tout en restant fidèle aux bases techniques de cette expression), s’affranchit largement de toute idée de supériorité artistique, de compétition, de maîtrise technique démesurée, d’esthétique en quelque sorte « au-dessus du panier » pour ne pas dire de mégalomanie philotechnique : elle reste en toute simplicité au plus près du sujet dans l’immédiateté de l’instant, en étant sans sophistication aucune le fruit de la spontanéité, de la joie de vivre, et de la rencontre entre le réel et notre sensibilité !
P.S. il reste tout juste 2 places à prendre dans les sessions du mois de juin prochain de la route du bleu : « De l’Alentejo mauresque aux calanques d’Algarve ». Si vous voulez vous joindre à nous, il n’y a pas 1 min à perdre, je clôture très prochainement les inscriptions !
christiane lantheaume
Bravo et merci de nous faire voyager.
Un jour, il faudrait que je me décide à refaire un voyage avec toi et Paul mon mari!!( Comme toujours récalcitrant à participer )
Mais je te suis toujours sur ton Blog.
Encore merci pour tous ces conseils pour des bleus et des verts magnifiques
Alain-MARC
Merci à toi Christiane, tu verras, si cela se trouve il sera super content ton mari, de suivre, surtout s’il y a des accompagnants comme lui pour aller explorer des bons coins pendant qu’on peint !
Marilou
Bravo! Et merci!.
Alain-MARC
Merci à toi, Marilou !
Martine Herrmann
Je vais garder cette page car elle me sera fort utile pour faire mes mélange. Merci cher Alain et grosses bises, Martine
Alain-MARC
Merci, grosses bises ! Tu verras, il devrait y en avoir d’autres d’ici la fin de ce voyage !
micheline vaudenay
Et bien, je crois que dans ma palette il va falloir que j’ajoute des bleus !!!! Et le texte d’Alain en guise de pense-bête (pas bête du tout). Heureusement le bleu est la couleur préférée de la plupart de nos contemporains. On va être servi !
Vivement le mois de juin…J’ai hâte
Alain-MARC
Tu as déjà les bleus qu’il faut, Micheline, ne t’encombre pas !
à bientôt pour la suite (toi, au moins tu vas en profiter directement sur place quand on se retrouvera à Faro) !
Nicolas globe croqueur (et photographe)
Merci pour toutes ces explications. Cela permet à celles et à ceux qui ne meuvent pas venir au stage de peindre à partir de leur bureau, autrement dit, de suivre le stage à distance, comme je l’ai fait pour la Bretagne il y a deux ans.
Alain-MARC
Oui, c’est ce qui fera le principal intérêt de cette série de billets, et de bien d’autres à venir…
Fontaine Anne
Merci pour tous ces conseils
….et de nous faire voyager !
Annie Lambert
Bravo Alain. Peux tu communiquer les lieux et dates de tes futures stages d aquarelle. Si c est possible, ça me ferait plaisir de passer un moment avec toi.
A bientôt, peut être
Annie Lambert
Alain-MARC
Te réponds directement par e-mail, Annie !
GIAUME Paul
Bonjour Alain MARC
Magnifique vidéo ,comme toujours (vous êtes un expert dans ces montages informatiques de textes, couleurs, photos, témoignages ….)
Merci de nous faire profiter de votre émerveillement face aux lieux que vous traversez.
Avec toute mon admiration
Paul
pierre
Comme d’habitude toujours très pédagogue, très enrichissant pour nous tous.
Le trait qui te caractérise est bien « le partage ».
Merci beaucoup
Douce et heureuse année à toi et à ta famille
Bises
Maryse PIERRE
Alain-MARC
Merci à toi, Maryse, même chose, et à bientôt pour la suite !
Martine Bronzin
coucou Marc, intéressant….le mélange de couleurs, tout un art ! je l’ai fait pour repeindre chez moi les oliviers ! bisous , à bientôt – Martine
PAUL BIGOU
Excellente Vidéo
Bravo
Paul
Alain-MARC
Merci Paul, je suis d’autant plus touché que le compliment vient de vous ! Mais vous savez, je suis très conscient des faiblesses et erreurs de ma vidéo (audio pourrie, pas de calibrage des couleurs, pas de corrections des contrastes, pas de balance des blancs, etc, etc). C’est toujours le problème quand on fait tout à toute vitesse dans ce domaine, et seul, on est obligés de faire des impasses sur des tas de choses, et après on s’en veut énormément, mais c’est toujours trop tard !
J’envoie toutes mes amitiés au grand cinéaste que vous êtes.
Dany
Merci Alain de rappeler les valeurs essentielles du vrai carnet de voyage, comment rendre l’émotion de l’instant par la magie de l’eau et du pigment. C’est toujours un bonheur de t’écouter raconter les couleurs.
Continue à nous enchanter!
Alain-MARC
Merci à toutes et tous, à toi aussi Dany, qui par ton propre blog nous apporte aussi beaucoup d’évasion et de découverte !
Chrystelle Marie
Toujours un grand bonheur de lire ta jolie prose et apprendre au travers de tes recherches picturales . Grâce à toi et le voyage au travers du bleu au Portugal j’ai découvert cet attachant pays dans lequel j’aime à retourner , pas assez, à mon goût ! A bientôt et merci à toi . ?
sylvie fontaine
Une newsletter bien agréable à découvrir, merci à vous de toutes ces explications sur les couleurs, c’est généreux et rare la gratuité maintenant! Cordialement.
Elizabeth
Quand je n’ai pas trop le temps, je garde tes mails de côté pour pouvoir les lire tranquillement plus tard. Voilà, c’est chose faite pour ce billet (enfin!) et je ne suis pas déçue (comme d’habitude!). L’ensemble est toujours enrichissant, mais j’ai particulièrement aimé ton analyse des couleurs par rapport à l’environnement. Amitiés
Elizabeth